Double imposture du « conseil scientifique de l’éducation nationale

Les difficultés touchent d’abord les écoliers défavorisés

Par Gérard Pommier Directeur de recherche à l’université Paris-VII

Le 10 janvier – tel un Roi mage –, M. Macron a fait un joli cadeau aux enfants : un « conseil de l’éducation nationale », où règnent des neuroscientifiques ! Les écoliers vont maintenant se faire tester, mesurer les comportements, rectifier le cerveau par des « spécialistes ».

N’est-ce pas une double imposture ? D’abord parce qu’aucun neuroscientifique n’a trouvé le moindre gène, la plus petite hérédité, la trace neurodéveloppementale des souffrances psychiques : le dossier prétendument « scientifique » est vide. En revanche, le dossier des problèmes sociaux et familiaux des enfants en difficulté est plein. Les neuroscientifiques montrent seulement des conséquences de problèmes de société et de la famille. Le « conseil scientifique » tente en première mondiale une greffe de cerveau ! J’espère qu’elle ne prendra pas ! La société libérale traite de « malades » les enfants non conformes à son programme. Sans l’amour de leurs parents, sans la confiance de la société, les enfants ne savent rien faire de manière innée… sinon mourir. Pour manger, marcher, chanter, il faut le soutien d’une parole partagée : cela n’est pas dans le cerveau. C’est une imposture de faire dire le contraire aux neurosciences.

La deuxième imposture détourne cette science nouvelle au profit d’un formatage et d’une ségrégation des enfants pour les besoins du marché : il lui faut de la main-d’œuvre à bas prix, et une élite. De plus, cette politique ségrégative rapportera des bénéfices énormes à l’industrie pharmaceutique. Car la solution de problèmes « organiques » sera les médicaments (six millions d’enfants aux États-Unis sont sous Ritaline, qui est une drogue dangereuse).Heureusement, les enfants sont des rebelles et ils diront non à ces traitements dépersonnalisants, en réalité sadiques. Ils diront non, ne serait-ce qu’en tombant malades, dans cette société qui leur laisse si peu de chances.

Leur désespoir muet dira non, à moins que leurs parents, leurs enseignants, ceux qui les aident à dénouer leur souffrance psychique, ne disent non avec eux. Il n’est nul besoin d’avoir des diplômes pour constater que les difficultés scolaires touchent d’abord les enfants défavorisés, et – en même temps – ceux qui pâtissent de problèmes familiaux. Un « conseil national » serait le bienvenu, s’il était dirigé par des enseignants, des parents d’élèves, des sociologues, des psychanalystes, qui éduquent et s’occupent des enfants en souffrance depuis longtemps.Les neuroscientifiques devraient rester dans leurs laboratoires… avec leurs singes, leurs souris, leurs « cohortes » de patients qu’ils n’ont jamais vus. J’espère que le coup de force du 10 janvier entraînera une forte réplique. Les enfants sont les éclaireurs de ce qui ne va pas dans notre société.Ils ne demandent qu’à changer, qu’à grandir, si confiance leur est faite, au lieu de les traiter de handicapés.

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