Quelle place pour l’inconscient aujourd’hui ?

Défis et implications cliniques

Colloque les 6, 7, 8 et 9 novembre 2025 à Paris – ASIEM – 6, Rue Albert de Lapparent

Nombre de situations cliniques contemporaines, loin d’être contingentes, témoignent d’un remaniement structural qui touche à la fois le champ du discours, le lien social, et la pratique même de la clinique. La montée d’un discours, qui prétend se référer au bien du sujet, voire s’en faire le garant, s’y manifeste en opérant, en acte, une forclusion de sa parole. Le sujet, ici, n’est plus reconnu dans sa division, dans ce qui le constitue comme effet du signifiant, mais pris comme objet d’un discours qui le mesure, et lui prescrit les comportements adéquats.

Ce glissement n’est pas sans conséquence : il marque le passage d’une clinique fondée sur l’écoute, le transfert et la parole pleine, vers une gestion des corps et des conduites, soumise à un savoir prétendument maîtrisable : celui d’un discours au nom de la science.

Or, ce discours, en excluant le réel de la division subjective, forclôt le sujet de l’inconscient, autrement dit, ce qui précisément le fait advenir comme sujet.

Mais cette forclusion ne tient jamais tout. L’inconscient, même dénié, insiste, il se dit autrement, se déplace, s’infiltre dans les lapsus, dans les ratés, dans le réel qui résiste.

Lorsque la parole est dominée par le savoir protocolisé, par la technicisation et par la tendance à réduire le symptôme à une origine strictement biologique, elle écrase immanquablement celle du sujet. Dès lors, il n’y a plus de place pour entendre ce qui se joue dans le langage, dans le désir, dans le manque.

La psychanalyse se voit fréquemment accusée d’être inefficace, non-scientifique, passéiste. Mais ceux qui la pratiquent savent à quel point elle peut, dans la singularité de la rencontre, opérer une bascule. Ceux qui y engagent leur parole savent qu’on y découvre ce qui nous constitue au plus intime.

Il est assurément là, le rôle du psychanalyste : tenir ce lieu d’adresse où la vérité, entre dire et mi-dire, peut advenir, et où le sujet, par cet acte même, trouve à se repositionner autrement dans son rapport au désir.

Face à la montée d’un discours qui prétend gérer la détresse psychique au prix de l’effacement du sujet et de son histoire, la psychanalyse propose un autre pari : celui que la parole a encore du poids, qu’un symptôme peut faire signe, qu’un transfert peut ouvrir un chemin. En somme, que le savoir en jeu dans l’inconscient, ce savoir qui insiste, qui revient, qui ne se laisse pas oublier, n’est pas à évacuer, mais à accueillir, dans sa dimension d’horreur parfois, de vérité souvent, de liberté toujours.

L’inconscient est une structure du langage, une béance dans le dire. Il se loge dans ce qui échappe au discours normé, technique. Ce n’est pas pour autant que la psychanalyse s’oppose à la science, dont elle partage les exigences de rigueur, de cohérence, de transmission. Mais elle récuse le fantasme d’une efficacité universelle, immédiate, désubjectivante. Sa singularité tient précisément en cela : accueillir ce qui résiste au savoir établi, ce qui échappe à la mesure, ce qui déjoue toutes les normativités. La psychanalyse ne produit pas de consensus ; elle ne s’érige pas en doctrine, encore moins en idéologie. Elle engage un tout autre défi : celui de la parole, de l’adresse, de l’équivoque.

Elle prend avec exigence ce qui ne se laisse pas dire d’un seul trait : ce reste, ce symptôme, qui insiste et fait signe d’un réel que bien des discours au nom des neurosciences ne peuvent pas entendre, car tel n’est pas leur objet. Ce qui n’exclut en rien la possibilité d’un travail commun, à la condition que soit reconnu à chacun la légitimité d’y apporter sa contribution singulière à l’édifice toujours en construction du savoir.

La psychanalyse n’a pas vocation à se substituer à la médecine, mais à occuper une autre scène, celle où le savoir inconscient, toujours partiel, conflictuel, non maîtrisable, peut se dire. En tant qu’expérience de parole, elle produit un déplacement du rapport du sujet à son désir et sa jouissance. Effet bénéfique radical, là où l’Autre dictait la loi, l’analyse permet au sujet d’entendre ce qui, dans le signifiant, le fait parler et trébucher.

Dans un monde saturé de discours d’expertise, la psychanalyse maintient une position cruciale : celle d’une résistance au discours totalisant. Elle n’ignore pas les avancées des neurosciences, mais elle en dénonce des dérives totalitaires. Elle s’érige en lieu d’expérience subjective inédite, originale, singulièrement universelle. Le neurobiologiste François Gonon, dans une publication récente, où il dénonce, notamment, les tendances néolibérales et impérialistes du discours des neurosciences, rappelait ce que le psychiatre Edouard Zarifian, averti de psychiatrie biologique, écrivait : « La science s’arrête aux portes de l’intime. »

Autant de constats, d’exigences qui appellent, une fois de plus, à raviver le débat. Quoi de plus juste, en ces temps troublés, qu’un colloque international, ouvert et transdisciplinaire, pour interroger les grands enjeux actuels de la psychanalyse et cette dangereuse illusion de pouvoir penser sans l’inconscient ?

C’est dans cette perspective que la Fondation Européenne pour la Psychanalyse propose un nouvel événement à Paris, les 6, 7, 8 et 9 novembre 2025, consacré à une interrogation plus actuelle que jamais : « Quelle place pour l’inconscient aujourd’hui ? Défis et implications cliniques ».

Au programme : conférences, dialogues et confrontations de points de vue réunissant psychanalystes, philosophes, neurobiologistes, artistes et penseurs de divers horizons, afin de croiser les pratiques cliniques contemporaines avec les apports théoriques les plus récents.

Un appel à penser ensemble, psychanalystes, philosophes, professionnels du soin, de l’éducation, du social, de la culture, observateurs curieux, pour faire entendre ce que l’inconscient a encore et toujours à dire dans un monde qui, trop souvent, voudrait le faire taire.

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