Édito de novembre 2019

par Gorana Bulat-Manenti

Fin Octobre, Palerme la magnifique accueille le Congrès de la FEP pendant trois jours. Dans une atmosphère propice à la subversion démocratique, inspirée par le travail de l’inconscient, la beauté et la culture, surplombant les palmiers, les vestiges antiques et la mer dans une salle historique du Palais de Normands, les membres de la FEP ont débattu de manière inédite l’actualité brulante de notre époque. C’est là qu’ont été discutées, sans fausse pudeur, les questions les plus épineuses, les plus difficiles concernant notre engagement dans la psychanalyse dans un contexte des temps nouveaux. La psychanalyse doit changer !

 La pensée circulait si librement pendant ces trois jours que la parole donnée à la salle dépassait souvent celle des intervenants. Certains participants un peu novices s’en sont étonnés, soulignant qu’ils n’avaient pas trouvé cette liberté ailleurs ! Beau compliment pour une psychanalyse en mouvement, celle qui dépoussière et qui avance en reconnaissant les avancées du présent.

 Ce Congrès est loin des exposés dogmatiques, loin de l’ennui d’entendre des phrases toutes faites extraites de quelques boutades de Lacan. Les membres de la FEP se sont livrés à un exercice de la démocratie confrontant des points de vue divergents sans que ça pose problème pour la cohésion de notre association. Par exemple les questions du féminin et celle du père du Totem (envié par le patriarcat), ont été abordées par plusieurs intervenants et ont servi d’axe principal de notre travail. Comment tuer symboliquement l’ogre inexistant et imposteur sans tomber dans le néant ? Comment admettre sa non-existence et s’en débarrasser ; comment ne pas prolonger dans la vie adulte la perversion polymorphe réservée à l’enfant ? Comment ne pas faire porter la castration pour les deux genres aux seules femmes, comme c’est encore de mise ? Les discussions sur le complexe d’œdipe et ses différents strates, la différence entre le pénisetle phallussymboliqueainsiquelaquestiondelabisexualitépsychique découvertepar Freud ont rejoint la problématique si actuelle des violences sexistes et sexuelles à l’université. Le discours du Maitre et sa tendance à l’imposture face au féminin ont été examinés et articulés dans leur divergence avec le discours de l’analyste dans notre actualité. C’est justement le discours du Maitre comme l’envers direct du discours analytique ainsi que la présence de cette imposture au sein de diverses institutions qui ont suscité les plus fortes interrogations. Pendant ces journées, le ton a monté, mais la tolérance et l’acceptation de positions plurielles ont eu raison de nos différences : l’ambiance de ce Congrès est restée très amicale avec en toile de fond une ouverture bienveillante.

Nous avons discuté de nos convictions sans crainte de transgresser, un dogme convenu à l’avance.

La FEP se compose de membres venus de pays très différents, d’écoles analytiques et d’obédiences différentes qui ont trouvé leur expression. Nous avons veillé à argumenter nos positions, à les défendre avec l’ardeur de notre désir, surmontant ainsi les positions arrogantes et le rejet.

Le soir venu nous avons chanté des poèmes beaux et profonds, évoqué les mots qui nous aident à tenir debout, à nous rappeler des luttes justes de nos ainés, en nous fiant toujours et encore à la magie poétique etses grains de folie, sans laquelle l’art de la psychanalyse, toute scientifique qu’elle soit, n’existerait pas. Les psychanalystes bougent, parlent, dialoguent, avancent : ceux de Marseille, de Paris, de Bordeaux, de Saint Petersbourg, comme ceux de Barcelone, de Beyrouth, de Rome, de Tolède ou de Madrid, de Rio ou de Buenos Aires, du Mexique aussi. Nos voix se déplient, un vent nouveau souffle et nous porte.

Jusqu’à l’heure de l’assemblée générale, tout membre de la FEP a pu poser sa candidature à n’importe quelle responsabilité. Suite à un vote démocratique, un bureau et un nouveau président ont été élus. Ici encore beaucoup de propositions, beaucoup de discussions démocratiques et bouillonnantes ! 

Luigi Burzotta, président sortant a été élu Président d’honneur de la FEP, son apport reste précieux. Roland Chemama et Cristina Jarque ont été élus vice- présidents. Laura Pigozzi est membre du bureau et Simone Berti est nouveau Secrétaire scientifique. Gorana Bulat-Manenti est élue trésorière de la FEP.

À présent, c’est Jean,-Marie Fossey psychanalyste à Cherbourg (qui a déjà su ouvrir les portes et la pensée de la psychanalyse à des centaines de participants aux colloques organisés par lui ) à veiller que cette place de président reste protégée d’une démonstration de pouvoir et d’aider que la liberté de parole et de pensée soit précieusement sauvegardée et encouragée, en prenant toujours compte des changements impressionnants de notre époque.

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