Editorial Octobre 2023

Jean-Marie Fossey,  président de la FEP

Les violences, le sexuel, l’interdit de l’inceste 
Un Congrès de la F.E.P. au cœur de l’actualité 
à Paris les 20, 21, 22 octobre prochains !

 En 1932 sous l’égide de la Société des Nations, devenue en 1945 l’Organisation des Nations unies, Albert Einstein, sollicité par cette organisation, se tourne vers Sigmund Freud comme interlocuteur pour interroger la possibilité de canaliser l’agressivité du sujet humain et plus particulièrement en cette période, pour affranchir les hommes de la menace de la guerre.

La réponse de Freud est sans équivoque, dans le fil de sa thèse développée dans Malaise dans la civilisation, il argumente une violence toujours prête à se tourner contre tout individu qui lui résiste. Une violence qu’il qualifie comme rien de moins qu’un besoin de haine et de destruction que l’homme porte en lui.

C’est ainsi que la psychanalyse met au premier plan du désir inconscient, le parricide et l’inceste. Un désir qui vise une jouissance hors limite. Tout en soulignant que c’est l’inconscient du désir qui fait la richesse d’un sujet. Françoise Dolto n’avait pas manqué de dire combien le fantasme d’inceste soutenait toute la culture humaine. Avec ce paradoxe, qu’un désir sans limites est impossible, Lacan nous rappelait dans son séminaire L’angoisse « qu’il y a de désir réalisable qu’impliquant la castration ». Prendre la voie de la civilisation, impose un mouvement de séparation. 

Gérard Pommier dans Racine cubique du crime Incestes, pointe bien ce paradoxe, en écrivant si « l’angoisse de l’inceste » est le motif le plus profond du mouvement du désir, « elle est aussi la causalité la plus obscure à cause des contradictions qui la portent. »

C’est depuis longtemps que l’UNICEF a fait ce bilan : la violence sexuelle ne connaît pas de frontières, elle se produit dans tous les pays et dans toutes les couches de la société.

 En France, il y a à peine quelques jours, la Commission Indépendante sur l’Inceste et les Violences Sexuelles faites aux Enfants (CIIVISE) a rendu public, deux ans après le lancement de son appel à témoignages, un dossier d’analyse intitulé : “Vous n’êtes plus seul.e.s, on vous croit”.
Un rapport dont l’objectif, à partir des mails reçus, des paroles recueillies de celles et ceux agressés ou violés pendant leur enfance, est de mieux faire connaître les mécanismes liés à ces violences, pour sensibiliser la société et formuler des recommandations pour les pouvoirs publics.

27 000 témoignages recueillis, avec deux chiffres qui se dégagent, 160 000 le nombre d’enfants victimes de violences sexuelles chaque année, et 9,7 milliards d’euros, le coût du déni. 
Bien évidemment il faut saluer une telle initiative. Saluer le rappel de l’importance de l’écoute, de soutenir un acte de dénonciation policière, judicaire, d’entendre la violence sexuelle, le réel du trauma et d’accueillir la parole de la souffrance de l’effraction. Mais lorsque que le rapport nomme la réponse à donner : « soutien social » ou encore précise que « La pédocriminalité, ce n’est pas un face-à-face entre un agresseur et une victime. Bien sûr, c’est ce face-à-face qui résulte du choix de l’agresseur de prendre possession du corps de l’enfant pour lui dire « tu m’appartiens ». La violence, c’est toujours un choix. Et puisque c’est un choix, il est toujours possible de ne pas être violent. De renoncer au pouvoir. ». Convenons que retenir de tels arguments, c’est ignorer la singularité du sujet et bien évidemment exit la question de l’inconscient. 

Un tel axe de réponses, notamment pour le sujet victime d’abus sexuels, c’est passer sous silence les effets de la mauvaise rencontre. Une rencontre traumatique, tant elle est rencontre avec une jouissance intrusive qui a souvent partie liée avec un effet, celui d’un sujet qui plaide coupable. 
Le constat est là, une dénonciation à grand bruit reste souvent sans effets sur le symptôme. L’enseignement des cures, mais pas seulement, celui de la littérature, du cinéma, de l’art en général, nous apprennent qu’il ne suffit pas simplement de dire, de dénoncer l’évènement traumatique, pour qu’il disparaisse. Cela demande que soit éclairé le réel du symptôme qui se retrouve au cœur du fantasme. 

Pour les nouvelles sexualités, qui font aujourd’hui la part belle aux théories du genre, il en va de même des réponses apportées, les sources citées ne font aucunement référence à la psychanalyse. C’est au nom de l’autodétermination, des recommandations protocolisées, au nom d’une expertise dite scientifique, que de nouvelles pratiques prennent le devant de la scène, comme celles des « consultations transidentité ». Des consultations qui ne cessent d’augmenter, en France 900 consultations en 2013, 9000 en 2020. Et ceci dans un contexte où le débat a souvent peu de place, le « – Vous êtes transphobe ! » devenant vite l’argument de réponse face au questionnement ou la controverse. 

C’est donc avec cette actualité, avec ces nouveaux enjeux de notre société, que nous avons décidé dans le cadre de la Fondation Européenne pour la Psychanalyse d’organiser un temps d’échanges, de débats, dans une dialectique entre théories et clinique, un Congrès sur les violences, le sexuel et l’interdit de l’inceste. Un congrès avec des orateurs psychanalystes, psychiatres, psychologues, philosophes, sociologues, de France, d’Allemagne, d’Espagne, d’Italie, du Liban, d’Argentine, du Brésil, du Mexique, d’Uruguay… qui, sans s’ériger comme experts de la vie psychique, vont ouvrir des voies d’élaborations, de réflexions, de recherches ; autant de points repères essentiels dans la clinique et la pratique de chacun. 

Un congrès orienté par une volonté d’ouverture pour donner une pierre d’assise à une rencontre, un dialogue entre psychanalystes, soignants, éducateurs, artistes… ou encore observateurs curieux des mutations, des impasses de notre monde.

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