Édito de janvier 2021 par Jean-Marie Fossey
Président de la DEP
La FEP aujourd’hui
Une bonne année répare le dommage des deux mauvaises disait Voltaire. 2021 sera-t-elle celle que nous espérons, rien aujourd’hui ne permet de le dire. Nous alternons tour à tour confinement, reconfinement et couvre-feu. Le commencement de 2021 n’est d’ailleurs pas là pour nous rassurer, la découverte d’un nouveau variant, les États-Unis qui dépasse les 20 millions de cas recensés de Covid-19, et à tout cela il semblerait bien que les campagnes de vaccinations soient en passe d’accuser des retards dans de nombreux pays.
Sur le plan de la santé mentale, l’inquiétude est de mise également. Les hospitalisations en psychiatrie, en baisse durant le confinement, ont augmenté dès la fin juin 2020. Une étude, réalisée aux États-Unis, sur plus de 60.000 malades, révèle qu’un patient sur cinq atteint du coronavirus a développé un trouble psychiatrique dans les mois suivants son infection.
Bref, nous vivons une période bien délicate et les psychanalystes n’ont pas manqué de devoir s’y confronter et de relever des défis. Notamment, au moment le plus aigu de cette pandémie, celui de poursuivre ou non le travail d’analyse engagé. Il a fallu pour chacun innover, pour répondre au mieux aux nouvelles contraintes. Dans ce « tumulte » avec l’attente d’un retour au nécessaire présentiel, le strict respect du cadre a dû être repensé. Le rituel freudien de la présence des corps, l’usage du divan, les modalités de paiement a été souvent fortement bousculé.
Pour les communautés analytiques, la question était de mise, se mettre en silence, attendre la fin de la pandémie pour reprendre enseignement, colloques, réunions ? Pour la F.E.P., la question fut rapidement tranchée, il était hors de question de ne pas être présent dans ce moment inédit, difficile et douloureux. Pour rappel : dans les jours qui ont suivi le confinement, nous avons mis en place une Antenne de parole gratuite à l’adresse des soignants coordonnée par Aspasie Bali, ainsi qu’un forum de discussion. Les demandes furent peu nombreuses, mais il était important que les psychanalystes soient présents pour apporter une réponse. Rien de moins qu’un acte jugé politique et nécessaire : maintenir coûte que coûte une présence au moment où chacun était renvoyé à sa propre souffrance. Une présence face à un réel pesant de tout son poids, face à une menace de mort et son lot d’angoisses et ceci dans un contexte de dérégulation de la temporalité.
Une autre question fut celle de maintenir ou non les colloques. Les initiatives des uns et des autres ont coupé court à ce questionnement. C’est ainsi que le groupe de travail « Los Mareados », Gisela Avolio, Graziella Baravalle, Laura Chacón, Laura Kait, François Morel et Rosa Navarro, nous a proposés ce colloque si réussi avec plus de 400 inscriptions, une participation de plusieurs orateurs issus de 8 pays.
Un colloque avec un choix judicieux, un thème fédérateur : « inconscient, traumatisme et fantasme ». Un colloque qui a eu ce grand mérite de proposer une contribution psychanalytique à l’actualité pandémique. Fait notable, il s’agissait aussi de notre premier colloque en visio- conférence, inaugurant un vrai moyen de communications, de travail, de rapprochement entre collègues de régions et de pays différents. Moyen d’ailleurs qui est appelé à se développer au sein de la F.E.P.
Notre vice-présidente, Cristina Jarque et ses collègues, un mois après, emboîtaient le pas pour organiser un beau colloque sur une question tout aussi cruciale celle du « Féminisme et psychanalyse ». Un moment de véritable contribution à cette libération de la parole des femmes, libération ouvrant la voie des révélations des affaires de harcèlement sexuel. Bien sûr, tout en rappelant que pour la psychanalyse, il ne peut pas s’agir d’une parole unique, communautaire, mais bien de la vérité de chaque sujet, une vérité en lien avec son désir inconscient et cette limite à la vérité que rappelait Lacan « la vérité : pas toute, parce que toute la dire on n’y arrive pas. »
Saluons ici également toutes les publications nombreuses des membres, les séminaires des uns et des autres qui se poursuivent, se créent. Sans oublier, d’une part, le travail conséquent de Gorana Bulat-Manenti pour faire vivre le site de la Fondation ainsi que le facebook. Et d’autre part, l’important travail d’animation de la Newsletter réalisé par Hélène Godefroy. Soulignons tout particulièrement la publication de deux newsletters spéciales construites à partir de plusieurs belles contributions théoriques proposées pour mieux penser la situation pandémique actuelle.
Fait important pour notre association en 2020 : la création d’une antenne française, comme prévu dans les statuts. Cette association Antenne française a été déposée par Aspasie Bali et Gorana Bulat-Manenti. Son existence aura entre autres, ce grand avantage de permettre un accès plus facile à des salles auprès des mairies, ainsi qu’aux demandes de subventions.
2021, concernant les activités de la F.E.P., ne devrait pas démériter en proposant plusieurs espaces de travail et de colloques à venir. Je reprendrais ici les différentes propositions connues à ce jour, à Bruxelles celle d’Hélène Godefroy et de Michel Hennis, à Barcelone « Nom propre, symptôme et autres suppléances dans la clinique psychanalytique » coordonné par Alejandro Pignato. D’autres projets sont en cours, notamment un colloque zoom proposé par Gérard Pommier autour de la violence faite aux femmes et religion et un autre, celui d’Éric Drouet sur neurosciences et psychanalyse.
Un résumé rapide pour confirmer une fois de plus, si besoin en était, combien la F.E.P. vise au soutien et au développement d’une psychanalyse vivante. Vivante par son foisonnement de contributions théoriques, vivante par sa clinique sans pareille qui continue à surprendre par son inattendu. Un message qui semble plutôt bien entendu au vu du nombre de nouvelles adhésions.
Pour terminer, je voudrais rappeler que la Fondation Européenne pour la Psychanalyse à travers ses membres, son bureau, la participation sans relâche d’un de ses membres fondateur Gérard Pommier, avance pour maintenir :
– Un espace libre, ouvert aux échanges et propositions des uns et des autres.
– Un espace, pour reprendre l’expression de Borges, « respiration de l’intelligence » appuyé sur une volonté, celle d’ouvrir des voies de recherches, de mises en mouvement, d’interrogation, de la pensée transmise par Freud, Lacan et quelques autres.
– Un espace engagé politiquement sur les questions cruciales de notre monde d’aujourd’hui.
– Un espace de transmission « impossible », celui de la psychanalyse aux générations à venir.