Édito de janvier 2022 par Jean-Marie Fossey,
Président de la FEP
Rapport Moral de l’Assemblée du 18 décembre 2021 de la F.E.P.
Bonjour à tous,
Évidemment comment commencer cette assemblée sans parler de ce réel qui a frappé à la porte de chacun début 2020. Une pandémie mondiale dont on nous dit que la cinquième vague de la Covid-19 est bien là et fait flamber à nouveau une grande partie du monde. Les taux d’incidence repartent à la hausse, les plans d’urgence se réactivent, les mutations du virus se suivent, les risques de saturation du système de soins, fragilisé par deux ans de crise sanitaire sont évoqués, les frontières se ferment à nouveau, sans parler de cette crainte de l’OMS de voir les pays riches accumuler les vaccins au détriment des états plus pauvres.
Bref une situation inédite, qui s’est invitée aussi bien dans notre clinique quotidienne d’analystes, que dans la vie de nos institutions psychanalytiques.
Immanquablement, le fonctionnement de la F.E.P. s’en est trouvé significativement modifié. 2020 a été marquée par son mois de mars, avec ce nouveau signifiant « confinement », avec l’expérience de la maladie, l’expérience d’un nouveau temps subjectif, l’expérience insolite d’une confrontation avec une loi de la nature, hors prévision de la science.
Face à ce réel soudain, invasif, figure du déchainement de la pulsion de mort, chaque analyste a dû inventer des réponses pour maintenir le fil de la parole, pour poursuivre les cures engagées et répondre aux nouvelles demandes face à la détresse du moment.
Au sein de la F.E.P. notre contribution fut celle de maintenir un lien entre les analystes, ce fut aussi sous l’impulsion de Florence Mery et de Gérard Pommier, la création d’une Antenne de Paroles de psychanalystes bénévoles à l’écoute des soignants.
Rappelons à ce sujet que près de 500 analystes venus de différentes associations, des quatre coins de la France, se sont mobilisés. Même si les demandes furent peu nombreuses, l’après- coup de cette proposition, reste un acte politique et éthique de première importance, l’inédit, le ravage de cette pandémie ne pouvait pas avoir pour réponse le silence des analystes.
2020, c’est aussi un nouveau couple d’antonyme qui se généralise, le fameux » présentiel / distanciel « . L’isolement, la quarantaine attaquait le collectif. Pour la F.E.P., il était impératif de continuer de maintenir un lien entre les membres de notre communauté analytique. Il a fallu alors s’organiser, se doter de nouveaux moyens de communication. A l’initiative de plusieurs collègues, des groupes de discussions « WhatsApp » ont vu le jour pour faciliter la préparation de divers évènements, la prise d’un abonnement « Zoom » pour notre association s’est imposée.
Forts de ces moyens, c’est ainsi que plusieurs colloques ont pu être maintenus comme celui organisé par le groupe d’analystes, membres de la F.E.P., Los Mareados, sur le thème « Inconscient, traumatisme et fantasme ». Un colloque réussi qui a réunis plus de 400 inscrits avec des orateurs issus de 8 pays. Un autre colloque F.E.P., passionnant a marqué cette fin d’année, celui coordonné par Cristina Jarque sur » Le féminisme et la psychanalyse « , un moment de véritable contribution à cette libération de la parole des femmes.
2021, l’accalmie virale de l’été a permis d’organiser en présence physique, le 25 septembre un colloque intitulé » La clinique lacanienne, l’École de Sainte Anne « . Il a réuni plus d’une centaine de personnes. C’est la parution de trois livres : » La pratique de Lacan sous la direction de Luis Izcovic », « La clinique lacanienne sous la direction d’Albert Nguyên » et le numéro 33 de la revue La clinique Lacanienne sur « Les travaux de l’École psychanalytique de Saint- Anne », qui a présidé à cette réunion. Une belle rencontre autour de la transmission de la pratique analytique, avec des analystes membres des Forums du Champ Lacanien, de l’Association Lacanienne Internationale, de la F.E.P. ect.
Les 1er, 2 et 3 octobre, nos collègues de Barcelone ont proposé un évènement F.E.P. sur le thème « Nom propre, symptômes et autres suppléances dans la clinique psychanalytique », un colloque très suivi, belle expérience d’une approche plurielle, libre, dans un dialogue constant entre théorie et direction de la cure.
Mentionnons que ces rencontres F.E.P. se sont conjuguées avec tous les autres colloques portés par des membres de F.E.P. et soutenus par le bureau. L’activité de la F.E.P., c’est aussi tous ces nombreux séminaires des membres qui se poursuivent pour maintenir la transmission de la psychanalyse et le transfert de travail.
Une autre force de notre association c’est l’importance de la publication d’articles, de livres de nos membres, qui signe bien là la vitalité de la psychanalyse.
Soulignons également l’engagement des membres de la F.E.P. pour une psychanalyse présente dans les débats. La sortie du livre de Camille Kouchner « La familia grande » a particulièrement mobilisé des membres de la F.E.P. autour de l’interdit de l’inceste. Parmi ces démarches dans le fil de cet engagement, nous nous sommes adressés aux parlementaires pour que l’interdit du passage à l’acte incestueux soit inscrit dans la Constitution.
Cette proposition soutenue par plusieurs d’entre nous, avec une pétition signée à ce jour par près de 350 signataires vise à rappeler cet interdit qui structure notre humanité, pour prévenir et défendre en amont de la menace incestueuse. Comme le rappelait la spécialiste d’histoire de la justice et du crime Anne-Claude Ambroise-rendu « Nommer l’interdit, c’est donc offrir la possibilité de mieux le cerner à ceux-là mêmes qui l’ignoraient et l’ignorent encore ou ne l’ont simplement pas assimilé. »
L’engagement fut aussi celui de s’opposer par des tribunes, des actes auprès des autorités sanitaires, notamment, à ce décret sur l’expertise clinique des psychologues, à la disparition de l’enseignement de la psychanalyse à l’université, à la maltraitance dont fait état la psychiatrie aujourd’hui.
Les débats, les contributions n’ont pas manqué de nous faire rester sur la brèche pour ne pas passer sous silence ces questions, ces défis de nos sociétés modernes, tels : souvent l’indifférence face à la détresse des migrants et son résultat : ségrégation et exclusion des sujets de de l’exil, pour reprendre Jean-Jacques Tyszler, l’absence de jugement dans l’assassinat de Sarah Halimi, le traitement de la radicalisation, les demandes de transition de genre etc. Des débats que notre Newsletter a relayés à plusieurs reprises.
Ceci nous amène à souligner le travail précieux et dense de notre collègue Aspasie Bali. Appuyée sur la création et la mise en place de celle-ci par Hélène Godefroy, Aspasie anime et propose chaque mois cette Newsletter riche, vivante que nous connaissons, qui assure un lien sans pareil entre chacun d’entre nous.
Cette newsletter permet de diffuser les annonces regroupées et de les diffuser à un MailChimp de plus 10000 personnes. Pour garder à l’envoi MailChimp sa portée, il a semblé important d’en limiter son usage.
Concernant le bureau actuel de la F.E.P. il a connu quelques changements, Roland Chemama a démissionné, à sa demande, de son poste de vice-président, Jean-Jacques Tyszler est devenu membre du bureau.
Par ailleurs Les statuts italiens de la Fondation prévoyaient qu’il y ait deux sièges : l’un à Rome, l’autre à Paris. Celui de Paris n’existait pas jusqu’à aujourd’hui, ce siège a été créé, avec comme responsable légale de l’antenne française : Aspasie Bali.
Dans le travail du bureau, je voudrais ne pas manquer de saluer la disponibilité, le travail de coordination, de trésorerie que mène notre amie et collègue Gorana Bulat- Manenti. Sans oublier le remarquable et efficace travail de sécrétariat de Maud Caté.
Rappelons ici, que la responsabilité du bureau de la F.E.P., avec ce point de repère de l’éthique et du maintien du fonctionnement de l’association, ne se donne pas d’autre pouvoir, dans la mesure du possible, que de soutenir, encourager et permettre la mise en œuvre des initiatives et des projets des membres.
Dans ce fil, l’année 2022, pour notre Fondation, ne va pas non plus manquer d’ambition, de nombreux événements sont à venir. Parmi ceux connus à ce jour: un colloque sur « L’érotisme » en avril qui sera coordonné par Cristina Jarque, en juin un colloque à Trieste à l’initiative de Luigi Burzotta « Le malaise du sexuel dans le parlêtre », un projet de colloque sur Bruxelles en cours avec Michel Heinis et Hélène Godefroy, une collaboration avec Convergencia pour le congrès à Barcelone en 2023, dont Hélène Godefroy et Marcelo Edwards assurent la représentation pour la F.E.P. et en début octobre le congrès de la Fondation à Caen, très certainement autour du thème du passage à l’acte et de l’acting out.
Deux projets sont en cours et devraient démarrer début d’année, une modification de notre site pour rendre plus lisibles, les textes, les conférences, les actes de colloques… Et d’autre part la mise en place d’un forum d’échanges, d’informations réservé aux membres de notre Fondation.
Au terme de ce rapport moral, je voudrais rappeler avec insistance, cette position originale si essentielle de la F.E.P., impulsée depuis plusieurs années par le travail sans relâche de Gérard Pommier, celle de maintenir dans cette Fondation, un espace rare de transmission de la psychanalyse, ouvert à un savoir vivant. Eloigné, comme il le rappelait récemment, de toute position dogmatique ou encore de ces discours qui « répètent à l’infini des mantras dépassés par les changements de la société ».
Une position qui fait de la F.E.P., un lieu singulier, pour accueillir des psychanalystes pluriels, avec parfois une diversité des approches et des discours. Un lieu ouvert aux écrits, aux contributions lors de colloques, à nos jeunes collègues en formation.
Ce lieu de transmission, de formation, est aussi celui d’une psychanalyse qui résiste à l’uniformisation, qui résiste aux modèles formatés, portée souvent par l’idéologie scientiste et les sciences cognitives, qui s’imposeraient comme seule alternative à la souffrance humaine. Un lieu qui résiste contre toute tentative de déloger ce que Freud tenait avec la plus haute estime, la place de la parole du sujet, ou encore ce que rappelait Lacan « Qu’elle se veuille agent de guérison, de formation ou de sondage, la psychanalyse n’a qu’un médium : la parole du patient. L’évidence du fait n’excuse pas qu’on le néglige. »
Gageons que ce contexte délétère, mais aussi stimulant de controverses, convoque chaque analyste, chaque membre de la F.E.P., à trouver, à inventer des voies nouvelles de transmission, pour dire combien cette clinique de l’humain qui est la nôtre, si inédite, si singulière, si pertinente, avec cet héritage riche d’un enseignement de plus d’un siècle (séminaires, colloques, livres, articles…) est une nécessité !