Édito de janvier 203, par Jean-Marie Fossey

président de la FEP

« Merci d’avoir été pendant tous ces mois, un compagnon de voyage, bienveillant soutenant. Merci de m’avoir aidée à grandir à accueillir les peurs de l’enfant, les tristesses, les blessures de femme. (…) Je continue mon chemin seule, en gardant dans celui-ci votre présence… »
Ce fut par ce courrier que Marina décida de terminer sa cure.
« L’analyste fait venir le patient à une certaine heure de la journée, l’engage à parler, l’entend, puis s’adresse à lui et l’engage à écouter » écrivait Freud en 1926. Un analyste au plus près du discours du patient, au plus près pour ouvrir un espace de parole et accueillir en creux, le dire d’un sujet. Un analyste à l’écoute du symptôme, qui est langage, dont la parole doit être délivrée. Un analysant et un analyste à l’œuvre, pour déchiffrer un symptôme, pour en révéler sa dimension inconsciente. Un in- conscient dont Lacan rappelait qu’il était effets de la parole sur le sujet.
Un inconscient ainsi définit, cette invention freudienne, faisait dire à l’une des figures les plus éminentes de la littérature européenne de la première moitié du XXe siècle, Thomas Mann, qu’une fois découverte elle « ne saurait jamais plus disparaitre. »
Et pourtant de nombreuses voix s’élèvent pour remettre en cause cette pratique de plus d’un siècle. Pour n’en citer qu’une, récemment lors d’une interview pour la sortie de l’un de ses livres, un neuropsychologue martelait que l’ « On a malheureusement en France une énorme influence résiduelle de la psychanalyse (…). Il faut savoir que c’est une théorie ancienne. (…) dépassée par les découvertes récentes des sciences cognitives et des neu- rosciences. (…) » Et de poursuivre ainsi : « Vous connaissez tout ce fatras de théories, je suis désolé de dire que dans ce domaine il faut que notre pays arrive à dépasser cet état et puisse prendre en compte les données des sciences (…). »
Rappelons de prime abord que la psychanalyse est avant tout une pratique. Comment une pratique de l’écoute, comme celle de la psychanalyse pourrait-elle être dépassée par les données de la science ? Sinon au prix du silence, de la négation de cet aphorisme que L’homme est un effet de la parole ; sans la parole, il ne serait pas.
Et pourtant, c’est bien cette pensée qui tend à prendre le devant de la scène. En France, dans la suite des Assises de la santé mentale et de la psychiatrie de septembre 2021, 80 millions d’euros sur cinq ans, viennent d’être alloués au programme « PROPSY ». 80 mil- lions d’euros pour développer une psychiatrie de demain construite sur la base d’une psychiatrie qualifiée de « médecine de précision ». Une psychiatrie axée autour de trois direc- tions de recherche : les facteurs de risque génétique, la redéfinition des modules fonction- nels impliqués dans les troubles mentaux et le repositionnement pharmaceutique. Une psychiatrie de précision qui n’ambitionne rien de moins que de révolutionner le diagnostic des troubles psychiatriques et la prise en charge des patients.
Vous l’aurez compris dans ce projet PROPSY, axé sur la bipolarité, la dépression, la schi- zophrénie et les troubles du spectre de l’autisme, avec des réponses thérapeutiques cen- trées sur la stimulation transcrânienne, la psychoéducation et les thérapies cognitives et comportementales, il n’est aucunement fait mention de la pratique analytique.
Exit pur et simple de l’importance de la psychanalyse dans les avancées de la psychiatrie telle qu’elle existe d’aujourd’hui. Psychiatrie, qui au regard des dernières manifestations des psychiatres, souffre plus d’un manque de moyens et de lits, que d’un manque de centres « experts ».
La réduction du psychisme à un fonctionnement d’organe, à un fonctionnement d’in- teractions chimiques, n’est pas recevable, tant cela revient à faire taire le sujet et son désir.

En ce début d’année 2023, s’il ne s’agit pas de défendre les psychanalystes, nous de- vons défendre cette position éthique de l’analyste qui permet au sujet que nous re- cevons et son désir, d’advenir, gage de sa liberté d’exister.
Au sein de la F.E.P. nous nous y engageons une fois de plus. Depuis sa création notre Fondation est un lieu, un espace collectif de travail orienté à promouvoir une volonté de savoir et de défense de la psychanalyse. Tout en confirmant qu’il n’y a pas d’universel du savoir. Freud, Lacan n’ont pas cessé dans leur enseignement d’interroger, de penser, de bousculer la psychanalyse et ses concepts.
Dans cet esprit, nos colloques, écrits, rencontres, séminaires continuent à faire vivre ce legs de Freud, Lacan et quelques autres. 2022 n’a pas failli à cette volonté. Le ton de notre Newsletter en est assurément le témoin. Une Newsletter coordonnée avec sérieux et per- sévérance par notre collègue Aspasie Bali, qui devient chaque mois un espace vif d’échanges, de confrontations, mais aussi un espace d’informations sur l’actuel de la psy- chanalyse, l’actuel des travaux de nos membres (rappelons ici le Colloque du 8 et 9 octobre à Montpellier « Une praxis de la psychanalyse » organisé par l’association L’@psychanalyse; ou encore les séminaires des membres de Caen, Montpellier, Paris, Barcelone, Tolède, Bruxelles, pour n’en citer que quelques-uns). Tout cela appuyé par le travail précieux de coordination du site internet de notre Fondation, que mène notre secré- taire générale Gorana Bulat-Manenti.
Pour cette année 2022, rappelons ces trois événements importants pour la FEP : le col- loque si bien organisé par notre président d’honneur Luigi Burzotta à Trieste, autour de cette question importante et actuelle « Le malaise du “sexuel” dans le parlêtre ». Celui de Caen, que j’ai coordonné avec des collègues d’Alençon, Caen, Cherbourg, Paris autour du thème « Violences et Passages à l’acte, qu’en disent des psychanalystes aujourd’hui ? ». De nombreux professionnels furent au rendez-vous de cette thématique au cœur de la clinique et de cette question, toujours à renouveler, celle de la transmission de la psycha- nalyse. Le troisième, ce colloque passionnant que notre vice-présidente Cristina Jarque coordonna avec beaucoup d’enthousiasme « Érotisme et Féminité ».
Ce début de 2023 ne nous fait pas oublier une actualité brulante, celle de la guerre en Ukraine, la montée des extrêmes sur le plan politique dans plusieurs pays. Une actualité qui peut nous faire relire avec pertinence ce texte essentiel de Freud « Pourquoi la guerre » et notamment ce passage : « La question cruciale pour le genre humain me semble être de savoir si et dans quelle mesure l’évolution de sa civilisation parviendra à venir à bout des perturbations de la vie collective par l’agressivité des hommes et leur pulsion d’auto- destruction. Sous ce rapport, peut-être que précisément l’époque actuelle mérite un intérêt particulier. » C’est dans le droit fil de cette actualité, que parmi les événements F.E.P. à venir, nous avons prévu d’organiser à Varsovie, un colloque à l’initiative de Gérard Pom- mier. Un événement qui ne manquera de nous rappeler cette citation d’André Malraux « Les grands rêves poussent les hommes aux grandes actions. »
Parmi les autres événements connus à ce jour, le VIIIème congrès international de Conver- gencia, organisé par la F.E.P. qui aura lieu à Barcelone du 24 au 27 mai 2023. Il est coor- donné par Gisela Avolio, Marcelo Edwards, Hélène Godefroy, Alejandro Pignato y Lucía Pose avec comme thème: «Quelle éthique pour la pratique psychanalytique au- jourd’hui ? »
Un colloque organisé par Luigi Burzotta à Mazara del Vallo, qui se déroulera les 7 et 8 juillet 2023 en l’honneur et autour de la pensée, l’œuvre de Moustafa Safouan.
La rencontre avec les parlementaires concernant la prise en compte de la souffrance psychique et la place de la psychanalyse reste une priorité à poursuivre et à développer. Bien évidemment il important de rappeler que de tels projets ne pourront véritable- ment aboutir sans un travail en commun avec les autres associations analytiques, qu’elles soient françaises, plus largement européennes, internationales, auxquelles nous sommes liés.

Je terminerais au nom du bureau de la F.E.P.,
en vous adressant tous nos bons vœux pour cette année 2023

 

error: Contenu protégé