Édito de mars 2021 par Cristina Jarque

Vice-présidente de la FEP

En ce mois de mars, nous célébrons l’anniversaire du premier confinement en Espagne. J’ai l’impression qu’à l’époque, la plupart des gens ne s’attendaient pas à ce que la pandémie nous confine à nouveau, un an plus tard, nous voici dans ce que nous appelons la troisième vague. Au niveau de la clinique, ici en Espagne, je vois, jour après jour, une très forte augmentation des demandes. Les gens sont de plus en plus angoissés ! C’est un moment historique compliqué où la psychanalyse, à mon avis, occupe une place de grande importance. C’est pourquoi, depuis le début de cette crise, je n’ai cessé de travailler dur, encore davantage, plus encore qu’avant, pour diffuser la psychanalyse. En cette année de pandémie, nous avons publié cinq livres en Espagne (Editorial Ledoria) avec la participation de plusieurs collègues de la FEP : « Relaciones familiares, elecciones amorosas », « Monólogos Femeninos (Las voces de la violencia) », Covid-19 : Reflexiones y vivencias », « Cine y Psicoanálisis » et « Niños al diván ». Nous n’avons cessé de produire ! Actuellement, nous avons cinq autres livres en cours (également avec la participation de plusieurs membres de la FEP). L’un de ces livres est intitulé : « Feminismo y Psicoanálisis » (traduit en espagnol), il rassemblera tous les textes du colloque de la FEP que nous avons coordonnés en novembre. Chaque mois, nous organisons entre huit et neuf événements en ligne. Tous ces événements sont gratuits et beaucoup d’entre eux ont été remplis à pleine capacité. Tout ce travail que nous faisons depuis l’Espagne et le Mexique (sous ma direction) a de multiples effets et conséquences : d’une part, il nous maintient actifs, vivants, désirants, je dirais même, dévoués, avec beaucoup d’amour et de passion pour la psychanalyse. D’autre part, il a également pour fonction d’apaiser l’angoisse et l’incertitude, tant chez les collègues qui interviennent dans les événements que chez tous ceux qui nous écoutent, car nous vivons des moments éprouvants. Enfin, je pense que tout ce travail que nous faisons occupe une fonction immense pour la diffusion de la psychanalyse. A l’occasion de chaque événement que nous organisons, nous touchons de plus en plus de personnes, jour après jour. Beaucoup d’entre elles ne pensaient pas que la psychanalyse était encore d’actualité, elles se figuraient qu’elle était obsolète. D’autre part, je voudrais signaler qu’au cours de ces trois derniers mois, j’ai été interviewée par plusieurs journaux et émissions de télévision, notamment pour deux raisons qui ont attiré l’attention des journalistes de Tolède et de Madrid : le livre sur « Cine y Psicoanálisis » et le monologue féminin sur la « Reine Christina de Suède ». Ces entretiens ont été très fructueux car ils ont permis à un plus grand nombre de personnes intéressées par notre groupe de prendre conscience du travail que nous réalisons dans l’étude et la recherche de la psyché humaine. Quatre-vingt collègues psychanalystes de nombreuses villes du monde entier ont participé au livre « Cine y Psicoanálisis ». Plusieurs de cescollègues ont écrit en français. Notre cher collègue, Gérard Pommier nous a honoré avec l’introduction intitulée : « Pour quoi le cinéma ? » Nous avons réuni notre équipe de travail pour réaliser l’impossible mais nécessaire traduction en espagnol de tous ces textes magnifiques, afin de faire connaître le travail intéressant et précieux de ces collègues dans les pays hispanophones. À partir d’un livre, ou d’un film et à l’initiative de notre cher collègue Sebastian Gutiérrez (actuel représentant du LaTE, Lapsus de Toledo Espagne au Mexique), nous ouvrons chaque samedi un espace que nous avons appelé « Tertulias para diván ». Dans ces réunions, nous invitons les collègues qui ont participé au livre à intervenir. C’est un plaisir de voir la satisfaction avec laquelle notre public reçoit les collègues invités !

Nous mettons le texte en espagnol sur l’écran pour que tous les hispanophones puissent le lire et suivre le collègue (membre du FEP) qui s’exprime en français. Ensuite, nous passons aux questions et réponses qui sont traduites pour rendre la communication possible. Plusieurs collègues m’ont écrit et m’ont dit que las « tertulias » (rassemblements) sont des moments magiques qui ramènent la joie de vivre en ces temps troublés ! J’ai parlé de tout cela dans les interviews qui m’ont été accordées notamment du film fantastique dont j’ai parlé « Le Parrain 1 ». J’ai eu le grand privilège que, sans que nous nous soyons concertés, notre cher collègue Eric Drouet ait voulu écrire sur « Le Parrain 2 et 3 ». Ainsi, nos écrits ont été réunis dans una « tertulia » (réunion) qui, à notre grande satisfaction, a été décrite comme une apothéose. Je n’ai pas le plaisir de connaître Eric Drouet personnellement, et bien que la seule possibilité de s’embrasser par l’intermédiaire de l’ordinateur soit virtuelle, j’ai pu percevoir notre plaisir partagé au cours cette rencontre. Il en a été de même avec de nombreux autres collègues de la FEP, avec lesquels nous nous voyons régulièrement à l’écran, tels que Gorana Bulat-Manenti, Aspasie Bali, Monique Lauret, Claire Gillie, Laura Pigozzi, Daniel Sibony, Gérard Pommier, Zorka Domic, Izabel Szpacenkopf, Orsola Barberis, Ahmed Bouhlal, Héléne Godefroy et bien d’autres, collègues avec lesquels notre équipe a un grand transfert de travail. Une collègue m’a dit que la seule chose dont elle se réjouie durant cette crise est que nous travaillons, comme on dirait au Mexique, « du soleil à l’ampoule« . Nous avons réalisé un événement à l’Universidad Autónoma Metropolitana (UAM), coordonné par notre chère collègue Varinia Cortés qui a connu un franc succès et a permis de faire connaître le travail des collègues de la FEP auprès des universités mexicaines. Ils en ont été très heureux et veulent continuer de travailler avec nous, aussi nous avons prévu de collaborer pour réaliser de nombreux projets communs. Quant à l’art, puisque nous sommes confinés et ne pouvons avoir accès aux activités artistiques, nous avons pris l’initiative d’organiser plusieurs manifestations artistiques, car à mon avis, c’est ce qui nourrit l’âme. Daniel Arizmendi (représentant de Monólogos Femeninos de LaTE au Mexique) m’a aidé à organiser plusieurs événements en Espagne, en France, à Washington, au Mexique et au Pérou.

Quant au monologue de la reine Christina de Suède, je voudrais dire que c’est un personnage qui est venu séduire et encourager de nouveaux membres à rejoindre notre groupe de travail. J’ai réalisé le monologue en trois langues : anglais, français et espagnol, et la réception a été formidable ! C’est ce que j’ai dit dans une interview récente que j’ai eu lorsque j’ai été invitée à l’interpréter dans un théâtre (on ne sait pas si la pandémie le permettra, elle est prévue le 3 mars) avec un groupe d’étudiants avec lequel j’avais déjà travaillé avant la pandémie. Les personnages que j’avais interprétés auparavant ont connu un destin plutôt malheureux et injuste : ce sont des femmes maltraitées par la société patriarcale et beaucoup d’entre elles finissent par être incomprises et à tomber du côté de la pulsion de mort. La reine Christina de Suède m’a fasciné car elle représente un cas différent. C’est une femme qui s’est rebellée et n’a pas voulu laisser les autres gérer sa vie et son destin. Influencée par les idées du philosophe René Descartes, elle a décidé de prendre le contrôle de sa vie et de vivre selon le désir qui l’habitait. Je pense que sa vie est un merveilleux exemple !

L’exemple d’un sujet qui, avant Freud et Lacan, dans les années 1630, a entendu dans René Descartes quelque chose qui l’a motivée à être la reine de ses propres désirs. Sa vie, à mon avis, est une ode à la psychanalyse. Ce personnage m’a permis de diffuser notre pratique, de manière inédite et, je dirais même, amusante, ce qui est très bien en ces temps de pandémie. Je tiens également à dire que José Antonio García Regueiro, président de l’Arco Europeo, m’a confié le poste de Directrice de l’observatoire de la psychanalyse de l’Arco Europeo. Ce poste m’a rempli d’énergie et nous organisons ensemble un événement par mois, en collaboration avec l’Ateneo de Madrid dans le groupe Agustín Argüelles. Il est possible, si la pandémie le permet, que plusieurs collègues mexicains viennent en Europe en mai et que nous organisions un événement en présentiel à l’Ateneo avec notre cher collègue José Antonio.

Avec ma chère collègue, Estrella Romeralo, également membre de la FEP, nous donnons aussi online un cours du nom de « EnsoñArte » intitulé : « Culpas y deseos » qui est très connu à Tolède et qui commence à devenir aussi international. Nous avons tellement d’activités que je n’ai pas assez de papier pour les énumérer toutes, mais notre désir est de travailler « à pleine vapeur », en collaboration avec nos collègues de la FEP et de diffuser la psychanalyse à tous ceux qui veulent l’entendre. Enfin, je tiens à mentionner que nous aurons peut-être encore d’autres vagues : la quatrième, la cinquième… mais à un moment donné, cette situation changera car les vaccins commencent à arriver. Pour ma part, je peux témoigner de ce que la pandémie m’a appris : elle m’a confirmé que mon désir est de continuer à travailler « du soleil à l’ampoule » jusqu’à mon dernier souffle !

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