Édito de novembre 2020
par Luigi Burzotta
Le savoir
En tant que directeur d’une Ecole de formation de psychothérapeutes à Rome, école d’orientation lacanienne qui se propose la transmission d’un savoir psychanalytique, je me demande si le questionnement sur le savoir soit encore actuel, au moins pour ceux qui sont concernés par le discours psychanalytique.
A ce propos je voudrais rappeler ce qu’en dit Lacan, lorsqu’il avance l’articulation du savoir à la vérité dans le Séminaire …ou pire, où il nous exhorte « qu’il faut se résoudre à parler de la vérité comme position fondamentale, même si de cette vérité on ne sait pas tout», puisque toutefois un savoir en résulte, celui « qui provient du fait de poser la vérité à partir du signifiant ».
Lacan admet que « ce maintien est assez rude à soutenir, mais se confirme à fournir un savoir non initiatique parce que procédant… du sujet ».
Tout le monde sait que le sujet, pour Lacan, c’est ce qui se recoupe de ce que, dans sa logique, « s’exténue à se produire comme effet du signifiant, en en restant distinct… ».
En tant que procédant de tel sujet, ce savoir « s’enseigne par d’autres voies que celles directes de la jouissance … toutes conditionnées de l’échec fondateur de la jouissance sexuelle », un savoir qui donc s’écarte de voies qui proviennent de cette fissure « par où la jouissance constitutive de l’être parlant se sépare et se démarque de la jouissance sexuelle ».
Toutefois, ces voies directes de la jouissance, dont le discours psychanalytique nous a permis d’en faire le catalogue dans la liste parfaitement finie des pulsions, c’est une efflorescence dans le corps qui fait aussi éco au même jeu des signifiants dont le sujet se produit comme effet.
Il y a donc une relation étroite entre le sujet en tant que tel et les pulsions, une parenté originaire qui est responsable de la nature fantasmatique de toute réalité, y compris la réalité de l’amour. Lacan est dans le juste quand il dit que l’expression littéraire de ce qui est émis par cette phénoménologie de l’amour, qu’aussi profuse qu’elle soit, on ne peut pas « présumer que l’on en pourrait tirer quelque chose ».
Mais toutefois nous avons choisi le récit Le pommier de John Galsworthy pour introduire l’argument des Journées à Trieste de juin 2021, Le malaise du sexuel dans le parlêtre, parce que c’est l’œuvre qui est venu à l’esprit de Freud dans le Malaise dans la civilisation (1930), pour dire que, « cet auteur anglais à l’esprit fin… montre de façon pénétrante comment il n’est plus place, dans notre vie civilisée d’aujourd’hui, pour l’amour simple et naturel de deux êtres humains ».
S’il est vrai que « cet amour simple et naturel de deux êtres humains », n’a peut-être jamais existé, toute de suite Freud affirme que «…de par sa nature même, la fonction sexuelle se refuserait quant à elle à nous accorder pleine satisfaction et nous contraindrait à suivre d’autres voies».
Dans la version freudienne, nous trouvons donc ici cette faille, ce point d’arrêt qui préfigure ce que Lacan dénonce comme « ce lien de l’impossible et du réel qui s’affirme dans la pratique même du rapport sexuel ».