Editorial Novembre 2023

Jean-Marie Fossey, président de la FEP

Un congrès réussi!

 Les 20, 21, 22 octobre 2023, la FEP a tenu son Congrès à Paris, il était dédié à la mémoire de Gérard Pommier, les hommages adressés à la figure de la psychanalyse qu’il incarnait furent nombreux.
Un congrès, trois signifiants choisis, mis au travail : Les violences, le sexuel et l’interdit de l’inceste. Un intitulé retenu pour que ces journées soient en phase avec l’actualité, pour que ces journées rejoignent la subjectivité de notre époque. Nous n’avions pas imaginé que ce congrès serait tant au cœur de l’actualité. 

La parole est indissociable de l’homme, mais comment fallait-il nommer ce qui traversait notre actualité du moment. Il vaut bien en convenir les mots manquent pour qualifier cette guerre qui n’en finit pas entre la Russie et l’Ukraine, les mots manquent pour dire ce que vient de vivre le peuple d’Israël dans sa chair avec la violente attaque terroriste, sans bien sûr ignorer les pertes civiles du côté palestinien qu’entraine la riposte. Les mots manquent pour désigner l’horreur de cet acte en France, de ce professeur de lettres qui vient de mourir assassiné, ou encore ce 15 octobre, l’assassinat à Téhéran du fameux réalisateur iranien Dariush Mehrjui et de son épouse.

Et pourtant il a été important d’énoncer ce que nous vivions, pour ne pas rester dans le silence, ne serait-ce que pour préserver notre humanité. Dans un article de presse récent, le rabbin de France Delphine Horvilleur exhortait les citoyens que nous sommes à ne pas sombrer dans une déshumanisation en s’enfermant dans un silence idéologique.

Le sexuel est la clé de voute de la psychanalyse, Freud n’a jamais cédé sur l’importance de la causalité psychosexuelle comme point central du conflit psychique, comme fondement de la psychanalyse.  C’est avec ce fil rouge fil, que nous avons pour ce Congrès adossé les violences, au sexuel et à l’interdit de l’inceste. Sa préparation a été nourrie par un impératif : la lecture de la violence ne peut pas se faire sans cette importante découverte freudienne de l’hypothèse légitime et nécessaire de l’inconscient, une hypothèse de l’inconscient arrimée à la pulsion, la jouissance, les fantasmes, le désir. 

Ce Congrès s’est engagé dans cette voie, celle d’interroger le réel qui désorganise le lien social, celle de proposer des pistes d’interprétation de la brutalité de la violence, des actes de maltraitance, des féminicides, de l’humiliation, de la haine et tout particulièrement celle des violences sexuelles. 

Porté par le cinéma, le théâtre, la publication de livres, la caisse de résonnance des réseaux sociaux, si pendant longtemps l’abus, toujours sexuel et sexué, a été étouffé par le secret d’alcôve, aujourd’hui il tend enfin à se dire. Et pourtant comme le dénonce la campagne nationale lancée par le gouvernement français, « toutes les trois minutes, un enfant est victime d’inceste, de viol ou d’agression sexuelle. » Racamier soulignait que si l’inceste est dévoilé, il est « toujours aussi mal compris ». Si sur le plan du registre de l’imaginaire, la révélation de l’agression apporte un certain soulagement, elle n’est pas une solution suffisante pour se dégager de l’emprise mortifère de la culpabilité, de la honte. L’expérience traumatique de la violence sexuelle laisse le sujet englué dans ce réel, d’avoir été objet sexuel, réduit à son corps par celui qui contraint, qui emprisonne. L’acte d’effraction vient déchirer le voile du fantasme, c’est une mauvaise rencontre avec un innommable, un inassimilable par le sujet, un réel où les mots manquent. Appuyées sur ce constat plusieurs, interventions sont venues éclairer cette place de ce réel qui va du trauma au fantasme.  

 Depuis les origines de l’existence, nous savons qu’un enfant a un besoin impératif de sa mère, un puissant attachement, qui aura une conséquence radicale sur sa sexualité. Avec sa mère source originaire de son érotisme, étayé par les soins apportés à son corps, c’est l’avènement du premier désir, mais pas n’importe lequel. Avec le sens de la métaphore, que nous lui connaissions, Gérard Pommier dira il « sort comme un diable de sa boîte : c’est lui le maître du jeu la vie durant. Horreur ! ce premier désir est incestueux ! ».

La force de ce désir est telle, que comme l’écrira Dolto, « l’inconscient des désirs, c’est ce qui fait la richesse potentielle de l’être humain », le fantasme de réaliser ce désir soutient toute la culture humaine. L’interdit de l’inceste, cet ordre qui existe dans le fondement symbolique des relations interhumaines, fut donc au cœur de ces deux jours et demi de travaux.

Ce congrès a connu deux temps, celui d’une visioconférence internationale très suivie, des collègues d’Uruguay, d’Argentine, du Mexique, du Brésil, et d’Espagne nous ont fait part de leurs travaux pour les soumettre au débat pendant une demi-journée. Le deuxième temps fut celui de deux jours passés dans ce lieu mythique pour la psychanalyse, la Maison de la chimie à Paris. Devant un amphi quasi comble (près de 200 participants), des psychanalystes de France d’Espagne, d’Italie, d’Allemagne, et d’Argentine se sont succédés à la table des conférences. 

Au vu des retours que nous avons eus : un congrès, réussi, tant par l’engagement des orateurs, que la richesse des exposés, la pluralité des discours et l’originalité d’une volonté d’ouverture au-delà des cercles d’analystes. 

Ce congrès eut comme issue une assemblée générale, avec l’élection d’un nouveau bureau pour les trois années à venir de la FEP.

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