Gérard Pommier : Mon aventure avec Lacan
J’ai raconté d’abord comment cela s’est passé sur ce divan, alors qu’en même temps, debout et les pieds sur terre, se déroulait l’histoire de ceux qui écoutaient Lacan. Ma mémoire m’a guidé, avec la plasticité qu’elle imprime aux événements. Elle s’appuie sur des visages, des moments suspendus, des émotions la distorde et l’ordonne. Elle ne vaut pas plus que ça, et donc elle vaut beaucoup.
Quand je me suis assis devant le papier blanc, longtemps plus tard, j’ai d’abord noté ce que j’avais retenu de mon analyse – selon la lu- minosité des souvenirs les plus marquants. Puis, au fur et à mesure que je me les remémorais – même de petits fragments – dès qu’ils étaient couchés sur le papier, d’autres réminiscences émergèrent tou- jours plus nombreuses. Elles apparurent entre les lignes de ce que j’écrivais, selon les couleurs de mes stylos : bleu, vert, noir – beau- coup de rouge. Elles remontaient à la surface du papier blanc, comme du fond d’une pièce d’eau, à contrecourant du quotidien qui oublie le passé pour accueillir le présent.
Et puis mon aventure avec Lacan ne s’arrêta pas à l’heure de son décès. Elle continue jusqu’à aujourd’hui dans une sorte de monde pa- rallèle.