Journée sur l’exil et la demande d’Asile
avec les CADA d’Île-de-France du CMPP et l’ESMPI de la MGEN
Le sujet de l’exil : porteur de récit et passeur de l’Histoire
Jeudi 19 mars 2020,
de 9 h à 17 h
Paris,
CMPP de la MGEN
« […] de quoi y a-t-il souvenir ? De qui est la mémoire ? » (Paul Ricœur, La mémoire, l’histoire, l’oubli)
Le CMPP et l’ESMPI de la MGEN en collaboration avec les CADA d’Île-de-France organisent leur quatrième journée d’étude sur la clinique de l’exil et de la demande d’asile.
Nous avions l’année dernière travaillé sur la question du traumatisme en proposant que toute expérience d’exil ne pouvait pas être réduite à cette seule catégorie psychopathologique. Sans ignorer la dimension effectivement traumatique des vécus, nous avions souligné d’autres éléments qui peuvent s’y trouver reliés : les deuils, les formes de la honte, le renoncement au désir… le tout pris dans le déni d’hospitalité propre aujourd’hui à nos pays.
Cette année, nous souhaitons réfléchir plus particulièrement sur la place de l’h/Histoire dans le travail avec les familles de l’exil. D’où viennent-ils, et qu’est-ce qui les pousse à partir, à partir « quoi qu’il en coûte », comme écrit Didi-Huberman?
Ces questions ouvrent à une rencontre possible. Nous sommes à chaque fois surpris du pouvoir poïetique des récits de ces patients qui viennent donner une autre lecture de l’Histoire. Ces récits deviennent une parole qui nous enseigne. Ils font rappel de notre position de non savoir. En (se) racontant, le sujet donne forme à sa façon à l’Histoire, et l’éclaire.
Ces récits témoignent non seulement de la période sombre du parcours de l’exil, de ce qui a fait trou, mais ils nous apprennent aussi sur ce qui était avant, la fierté d’une vie dans les différents pays, les coutumes, enfin tout le filet symbolique qui les reliait.
D’un pays à l’autre, ces exilés apportent avec eux les symptômes, les fracas, les douleurs, mais aussi les espoirs d’un monde qui se transforme et qui se réinvente.
Ils nous enseignent sur « le malaise dans la civilisation » et sur notre propre malaise intime, nous qui nous croyons protégés des drames.
Et puis il y a, et c’est pour nous essentiel, les rencontres avec ces femmes venues d’ailleurs. Les questions des mariages « forcés » dès l’adolescence, l’excision et les mutilations sexuelles rituelles… Un jour, une femme se lève et dit « Cela suffit, ce que j’ai vécu, ma fille ne le vivra pas ! ». Ces récits féminins, remplis de douleur et de souffrance, s’inscrivent néanmoins dans un sentiment partagé par les femmes de tous horizons: « Ce corps, il m’appartient ». C’est peu dire combien dans le transfert ce regard sur le corps des femmes nous a changés.
Le partage de nos expériences se veut alors encore une occasion pour réfléchir ensemble sur ce que cette clinique nous enseigne.
« L’histoire comme catégorie de l’existence humaine est bien plus vieille que le mot écrit, plus vieille qu’Hérodote, plus vieille même qu’Homère. Non historiquement mais poétiquement parlant, son début se trouve plutôt au moment où Ulysse, à la cour du roi des Phéaciens, écoute l’histoire de ses propres faits et souffrances, l’histoire de sa vie, devenue alors une chose extérieure à lui, un « objet » que tous devaient voir et entendre. Ce qui avait été pur événement devenait maintenant « histoire ». » (Hannah Arendt, Le concept de l’histoire).
Texte de préparation pour la journée d’étude rédigé par Ilaria Pirone, Carolina Porto, et Aïcha Fischer
Journée d’étude ouverte sur invitation auprès du Docteur Tyszler (jtyszler@mgen.fr ) ou Aïcha Fischer (afischer@mgen.fr)