Le point de vue de Luis Izcovich

Racine cubique du crime, Incestes

de Gérard Pommier

Gérard Pommier, auteur prolifique, ayant publié plusieurs ouvrages bien connus dans de grandes maisons d’édition en France et ailleurs dans le monde, a confié son dernier ouvrage aux Editions Stilus qui existent depuis seulement 6 ans. Certes, ces éditions concernent particulièrement la psychanalyse, mais la publication de ce livre est la preuve d’une rencontre. Ce choix est l’indice d’un pari, celui de la psychanalyse à notre époque. A travers cet ouvrage, Gérard Pommier s’adresse certes à la communauté analytique, mais bien au-delà. Les analystes reconnaîtront ce qu’ils connaissent déjà de l’auteur: la fluidité de sa plume, son érudition, son engagement politique, son style particulier pour affronter le réel de l’expérience, bref son courage. Dans ce sens, ce livre est un livre sans semblants. Il n’est pas guidé par le goût de la forme pour la forme, mais par une visée, celle de toucher ce qui fonde l’essence de chaque être parlant et sa destinée. On ne peut alors être étonné que le livre soit traversé par la question du parricide, de la culpabilité, du rapport à la mort, et des façons dont l’être humain tente de mettre à distance ce qui pour chacun constitue l’horreur fondamentale. C’est ainsi qu’on s’aperçoit que Gérard Pommier trouve chez l’écrivain De Quincey, notamment dans Confessions d’un mangeur d’opium, ce qui donne l’armature à son livre, à savoir le retour pour un homme, d’un murmure, celui de sa soeur morte alors que Thomas, le personnage de De Quincey avait 6 ans. A partir de là, on pourra suivre la série de Agesilaus Santander de Walter Benjamin, ou de la soeur rêvée de Baudelaire. La passion de l’amour, notamment pour la soeur, est traversée par la pulsion de mort. Le crime hante l’humain, la drogue, à l’occasion, est ce qui peut aider pour le maintenir à l’écart. Ce livre aborde ainsi la racine du crime, pas à pas, à travers les récits des livres sacrés, suivant la façon dont la société aborde la question de la causalité. Dans ce parcours, on pourra saisir comment Freud a mis, au centre de sa conception, le parricide, mais aussi la pratique de parole qui met à distance le risque de l’inéluctable, l’inceste. On pourra ainsi suivre, sur la question du crime, non seulement ce que Lacan avance dès l’« Introduction théorique aux fonctions de psychanalyse en criminologie », mais aussi le développement inédit de Gérard Pommier concernant les racines de l’inceste, son rapport à la loi et les conditions d’un traitement possible à notre époque. Pour conclure, ce livre est plus qu’un livre sur le rapport entre la psychanalyse et le crime, il interpelle notre société, le législateur, les croyants, les religieux, les athées. Il interroge l’humain, avec ses désirs, mais surtout en tant qu’il est traversé par ce qui est à la base de chaque pulsion, la pulsion de mort.

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