Lettre de candidature de Jean-Marie Fossey,

élu Président de la FEP

Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs les membres du bureau de la F.E.P.

Le monde va de plus en plus vite et son lot de mal-être grandit. A cela les propositions thérapeutiques sont de plus en plus nombreuses, la semaine passée, dans le métro parisien entre Sèvres Babylone et Saint- Lazare, une affiche publicitaire ostentatoire proposait : « Et si le psy venait chez vous ? Consultations d’un psychologue à domicile » : une réponse séductrice, active, garantissant un résultat efficace et rapide.

Même si le constat est moins vrai dans la clinique libérale, depuis quelques années dans les institutions, le temps d’écoute des patients se réduit, face au nombre de demandes grandissantes, les psychiatres n’ont plus suffisamment de temps. Dans bien des établissements, c’est l’éducation thérapeutique ou l’apprentissage par des renforcements comportementaux qui prennent le devant de la scène. Dans ces mêmes établissements, le constat est manifeste, ce sont de plus en plus souvent des psychologues formés aux thérapies cognitivo-comportementales qui sont recrutés. Les pratiques orientées par la psychanalyse se marginalisent. La clinique du sujet disparaît au profit de celle des neurosciences, de la biologie, des échelles d’évaluation, des protocoles, des recommandations, des statistiques. Les médias, pour qui l’audimat est devenu le mètre étalon, font appel de leur côté plus facilement aujourd’hui aux thérapeutes de l’éducatif pour obtenir des réponses pragmatiques, rapides et dites « scientifiques ». L’université n’est pas en reste, dans bon nombre de lieux universitaires, l’enseignement de la psychanalyse se réduit comme une peau de chagrin.

Pourtant le symptôme ne semble pas avoir pris une ride comme le note Elsa Godard dans son livre La psychanalyse va-t-elle disparaître. Retenons que l’auteur nous invite à interroger la clinique psychanalytique avec urgence, pour que celle-ci ne devienne pas « une coquetterie du dimanche pour vieux érudits ».

Conscient, depuis plusieurs années de cette urgence d’un risque de marginalisation possible de la clinique psychanalytique, à l’instar des Etats-Unis, avec quelques-uns, c’est imposé à nous, la nécessité de proposer des initiatives pour faire vivre et transmettre cette clinique, dans cette institution psychiatrique hospitalière de Cherbourg en Cotentin. Institution dans laquelle j’ai travaillé plus de 30 ans comme psychologue clinicien. Nous avons alors proposé des temps d’échanges, avec les équipes soignantes, des temps de supervision, des demi-journées à thème, où la psychanalyse trouvait sa place comme boussole de la clinique. Au-delà, nous avons également souhaité maintenir un discours psychanalytique dans la cité, par la mise en place d’un séminaire que nous animons depuis plus de 20 ans. Un séminaire à l’adresse de toutes les personnes intéressées. Dans le sens de cette volonté d’ouverture, nous avons organisé depuis quelques années, sur Cherbourg en Cotentin, des colloques psychanalytiques ouverts aussi bien aux psychanalystes, qu’aux psychiatres, psychologues, infirmiers, éducateurs, assistants sociaux etc… C’est d’ailleurs dans le fil de cette dynamique d’ouverture, de désir de transmission, de témoigner que la psychanalyse a toujours toute son actualité et sa pertinence, que nous avons préparé avec des collègues d’Alençon, de Caen et Cherbourg et avec vous, le colloque sur le Deuil à Caen.

Orienté par l’expérience de ma cure, de mes contrôles, de mes lectures de Freud, Lacan et de quelques autres, de mes engagements associatifs à Espace Analytique et la F.E.P., aujourd’hui je travaille uniquement en libéral pour la grande majorité de mon temps, tout en assurant des enseignements psychanalytiques, notamment à l’Institut de Formation des étudiants en Soins Infirmiers de Cherbourg en Cotentin, à l’université de Caen en master 2 de psychologie clinique, sur le département de la Manche un enseignement auprès de soignants de psychiatrie, d’acteurs du secteur sanitaire et éducatif sur la prévention des conduites suicidaires.

Interpellé par le tranchant des propos de Gorana Bulat-Manenti et Gérard Pommier, dans les éditos des Newsletters du mois dernier et de ce mois-ci, pour construire au sein de la F.E.P. une gestion démocratique, encouragé par leur proposition et celle de Cristina Jarque de me présenter pour le poste de président, j’ai décidé de vous soumettre ma candidature pour ce poste. Je ne vous cacherai pas, que mon hésitation a été vive, de par l’importance symbolique de cette place, tant je pense être plus praticien que théoricien, tant aujourd’hui, les enjeux pour la psychanalyse sont grands.

Si vous pensez que ma candidature est recevable, je veux bien que celle-ci soit soumise aux votes, pour essayer, si elle est retenue, de contribuer de mon mieux, avec vous, à faire œuvre de transmission, de résistance, au sein de la F.E.P. pour maintenir notamment deux choses qui me semblent essentielles : transmettre le plus largement possible, combien le constat de notre pratique témoigne bien de cette finalité, de ce rien de moins, qu’elle permet souvent de désaliéner le sujet pour lui permettre de retrouver une liberté et d’autre part engagé par ce désir d’analyste qui, malgré toutes ces années de pratique, reste toujours aussi vif, participer à soutenir une dynamique de transfert de travail.

Bien cordialement

Jean-Marie Fossey

Psychanalyste / Psychologue Clinicien. Membre de la F.E.P. Cherbourg en Cotentin France

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