L’Expiation dans la pandémie
Daniel SIBONY
Éditions le Retrait
Qu’avons-nous payé dans cette pandémie ? ou plutôt dans sa gestion, où en toute innocence, notre lieu d’être fut balisé par deux filons pathologiques, l’un pervers et l’autre névrotique, dont l’analyse peut nous éclairer sur la suite, sur nous-mêmes et sur nos valeurs ?
Extrait :
Dans le désert de Paris et l’apparente dépression, je sentais une pression, un vide, une certaine beauté et un brin de tromperie : on avait pris au plus simple pour ne pas se compliquer la vie ; mais le plus simple pour le système complique beaucoup la vie de l’immense majorité. C’est dans ce silence, dans cet effacement collectif, que l’idée de peuple m’a paru s’imposer ; l’idée de peuple émergeait de son effacement.
Post-scriptum de Daniel Sibony à l’expiation dans la pandémie
Depuis que j’ai bouclé le livre, les deux symptômes que j’ai pointés ont poursuivi leur route avec des effets sidérants. Surtout le symptôme névrotique, ancré dans le fantasme égalitaire et le refus initial de distinguer entre personnes atteintes et non atteintes, préférant fourguer tout le monde dans le même Corps social qu’on traite ensuite d’un bloc comme Corps malade à protéger globalement, sans distinction. L’effet retour du refoulé est remarquable : on distingue, ou plutôt on discrimine tous azimuts, et c’est contagieux. Ainsi, une merveilleuse libraire, de ces femmes qui aiment les mots justes et se consacrent à les faire vivre, voulait faire présentation de livre puis elle s’est arrêtée net : non, ce n’est pas possible, je ne me vois pas refusant des gens qui n’ont pas le passe sanitaire. De sorte qu’elle aussi, pour ne pas discriminer, préfère tout supprimer ; à l’image du pouvoir qu’elle critique violemment, qui pour ne pas distinguer au début, supprime la sortie pour tous et met tout le monde dans le même sac. C’est cela, la contagion. Et c’est bien sûr l’effet pervers qui se propage le mieux, nourrissant l’autre symptôme, la loi totale, qui ne tolère aucune critique même juste, au nom du principe : ne pas faire le jeu de l’ennemi. Ce second symptôme bat son plein tranquillement et suffoque le discours ambiant qui fonctionne déjà sur le principe : censurer ce qui contrarie la bonne cause qui doit être intouchable. En l’occurrence, celle de vacciner tout le monde.
Or, on demande à ses partisans un véritable acte de foi : la vaccination ne changera les choses que lorsque tout le monde sera vacciné, de préférence trois fois. (Avant, on disait 80% de la population, mais des scientifiques récusent l’immunité collective). Ce point d’idéal, tout le monde, sans distinction, sera-t-il atteignable ? Tant qu’il ne l’est pas, rien ne change, et l’opprobre retombe sur les anti-vac, dont certains ont de bonnes raisons de résister. On a donc un bouc émissaire sous la main, en cas de besoin. Et on est trop engagé dans la « stratégie vaccinale » pour reculer, et se rendre compte qu’on peut tout simplement vivre avec ce virus en testant et isolant ceux qui l’attrapent, en soignant ceux qu’il rend malades, et en laissant les autres en paix, sachant que tous auront les masques et les bons gestes. Mais qui peut instaurer ce point de rebroussement, si contraire au système gestionnaire, qui ne croit qu’en sa propre gestion c’est-à-dire en lui-même ? En attendant, ce qui est sidérant, mais il faut refuser la sidération, c’est à quel point la logique du système se poursuit avec une rigueur machinique et inconsciente, malgré le constat répété qu’un corps testé négatif est plus sécure pour l’entourage qu’un vacciné, depuis le variant delta, qu’on aurait dû affronter comme un nouveau virus, d’autant que des variants, il y en aura.
Pour lire le point de vue de Joseph Rouzel
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