Palerme !
par Gérard Pommier
Dans le style baroque arabo normand du Palazzo dei Normanni, le congrès de la Fondation a débattu de points de vue divers, en un certain sens baroque eux aussi ! Après tout, le baroque dans son expressivité si bariolée juxtapose l’hier et l’aujourd’hui: n’est-il pas l’habit d’Arlequin de l’inconscient ? Il aborde les questions cruciales de la psychanalyse : quel est le sens politique de l’innovation freudienne ? Il engage l’inconscient bien au-delà du divan, dans le devenir historique de la Culture. Il avance de manière inconsciente mais active, lui aussi. C’est dire que « sexe et politique » ont un destin commun. L’exposé de Roland Chemama a cadré cette problématique, fidèle en cela à son dernier livre, dont presque chaque chapitre est ponctué par un point d’interrogation. Titre : « La psychanalyse refoule-t-elle le politique ? ». De proche en proche cette question rejoint les grands débats qui agitent notre société en plein bouleversement. A commencer par la place du père : elle fait problème. Et puis quel est le statut de ce féminin ? Il récuse le destin qui lui a été imparti depuis la nuit des temps. De la mise en parallèle de ces questions, ce sont les fondamentaux des théories psychanalytiques qui sont interrogées, car il faut en prendre la mesure : les pionniers viennois et parisiens étaient des hommes de leur temps. Le débat est vif de bout en bout. Tyszler, Sciara, Gorana Bulat et bien d’autres n’ont presque pas quitté la salle.
De mon point de vue, mais tous ne le partageront peut-être pas, les choix de l’assemblée générale se sont faits en fonction de ce qui départage le « Discours du maître » et celui « de l’analyste ». Ils sont antinomiques. Au fond, ce débat rejoint les questions sur la place du père et sa fonction (c’est du moins comme ça que je le vois). Le débat s’est fait entre les partisans d’un président qui serait vraiment Président, entouré d’un bureau qui dirige. En contrepoint, il y a l’idée que chacun est président, au sens où il propose et que le bureau n’est là que pour aider à la réalisation de ses projets.
Au dîner convivial du dernier soir, il y a eu des chansons : Laura Pigozzi, Daniel Sibony, Eric Drouet avec un chant de Bora Bora. D’autres chants venus du lointain Liban. J’ai dit un poème écrit une nuit d’avant. L’inconscient fait rimer hier et aujourd’hui. Je pense qu’un analyste doit être quelque peu poète pour entendre les dysharmonies et les accorder : Que nul n’entre dans ce royaume, s’il n’est quelque peu poète, comme Lacan l’était ! Les explications rationnelles sont de peu de secours, alors qu’une rime muette entendue, oui.