Sorelle

de Laura Pigozzi

Une sœur nous accompagne toute notre vie : nous la connaissons depuis toujours et la relation avec les amies, avec les groupes féminins, mais aussi avec les partenaires, hérite beaucoup de cette relation de haine-amour. Une sœur est le lien le plus long et le plus significatif avec l’Autre féminine et avec sa propre altérité de femme.

Au début, nous la percevons comme une intruse, mais c’est elle qui nous chasse du trône de l’unicité et qui donne une limite à notre narcissisme. Nous pouvons éprouver une immense jalousie, mais sans elle nous n’apprenons pas à faire coexister différence et égalité, c’est-à-dire les axes cartésiens de tout projet d’humanisation. Même lorsque la relation avec une sœur s’est douloureusement coupée, elle reste en nous, comme le souvenir inconscient d’un lien fondateur. Une intensité que l’on retrouve même chez les filles uniques qui élisent l’amie de cœur à la place d’une sœur.

Le lien entre soeurs, structurel chez chaque femme, est l’un des plus intrigants et mystérieux, mais il est aussi l’un des moins exploré, un point aveugle dans les théories sur la famille. Laura Pigozzi, psychanalyste depuis toujours attentive aux questions familiales, dans son essai allume une lumière et, à travers des cas cliniques et littéraires, de chronique et de cinéma, reconstruit un carrefour unique de la sororité. De la relation ambiguë entre Virginia Woolf et Vanessa Bell, à la belle-soeur du marquis de Sade qui aimait le même homme que sa soeur, des jumelles muettes aux sœurs assassines, les célèbres Papin, le texte nous accompagne jusqu’à la proposition d’une nouvelle idée de féminisme, fondée sur un lien sororal plus fort que la dépendance, libre à la fois du plus maternel et du ravage et clarifiant définitivement leur différence. Comprendre la valeur de cette figure signifie savoir construire avec elle – qu’elle soit une sœur naturelle, adoptive ou sociale – une alliance qui va au-delà des dangereuses symbioses et des sujétions : si nous ne sommes pas indépendantes entre nous femmes, comment pourrions-nous l’être aussi des hommes ?

« Sorelle » de Laura Pigozzi

En cours de traduction chez Erès, à paraître en 2022, sous le titre :

Un mal d’enfance

De la dépendance maternelle à l’infantilisme social
traduit par Patrick Faugeras

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